Les sondages apparaissent en 1936 aux Etats-Unis, à l’occasion de l’élection présidentielle de la même année. Popularisés par le journaliste américain G.H Gallup, les “sondages d’opinions” apparaissent en France en 1939, grâce à une enquête de l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique), qui demandait aux français, “faut-il mourir pour Dantzig ?”. 

Jugés inutiles et trop peu précis à leur création, les sondages d’opinions vont finalement, dans les années 60, devenir un incontournable dans la vie politique française. Les sondages d’intention de vote sont particulièrement prisés au moment des élections. Les sondages réalisés aujourd’hui pour les élections ne représentent que 0,5% du chiffre d’affaire des instituts de sondage mais sont les plus médiatisés. Ils sont menés selon la méthode “des quotas” : seul un échantillon représentatif de la population est interrogé. Des critères sont mis en places : le sexe, l’âge, la profession… pour permettre cette représentativité.

En 1965, juste avant que Charles de Gaulles soit réélu Président de la République, l’IFOP montre à travers ses sondages que ce dernier n’est pas le grand favori de cette élection. En concurrence avec François Mitterrand, Charles de Gaulles ne gagnera qu’avec 55,20% des sondages. C’est la première fois qu’un résultat est aussi serré : malgré une majorité des voix, près de la moitié des français n’est pas convaincu par Charles de Gaulle. Il démissionnera 4 ans plus tard, bien avant la fin de son mandat, comprenant et acceptant que la plupart des français n’avaient plus confiance en lui. Les instituts de sondage, et leurs enquêtes d’intentions de vote ont donc, en quelque sorte, anticipé ce scénario. 

Mais les sondages ne sont pas toujours des sources fiables. En 2002, alors que tout le monde s’attend à voir au second tour de l’élection présidentielle Jacques Chirac et Lionel Jospin, c’est finalement un duel Chirac-Le Pen, qui aura lieu. Une situation qui avait beaucoup surpris, et qui remettait pour la première fois en cause les sondages. Pour expliquer cette situation, il faut se remettre dans le contexte. Les instituts de sondages n’ont pas pris en compte le “vote caché” du FN : une grande partie des électeurs de Jean-Marie Le Pen n’osaient pas le déclarer, ce qui a faussé les sondages.

Avec le temps, et l’avènement des réseaux sociaux, les sondages se sont multipliés. C’est simple, nous sommes passés de 110 sondages d’intention de vote faits avant les présidentielles en 1981, à presque 600 en 2017. Les instituts sont aussi plus nombreux qu’avant, ceux-ci s’élevant au nombre de 13 en 2021.

 

 

Mais malgré une augmentation des sondages et des instituts, la confiance des français vis-à-vis des enquêtes d’opinions n’est pas au beau fixe. Certains candidats, comme d’Eric Zemmour, demandent à leurs électeurs de ne pas “écouter ce que disent les sondages” et de se concentrer sur “l’affluence des meetings”, expliquant que ces derniers sont plus représentatifs des intentions de votes que de simples sondages réalisés sur une poignée de personnes. 

L’opinion publique existe-elle ?

Le sociologue Bourdieu pense que les sondages ne sont qu’un “instrument d’action publique”, qu’ils sont biaisés dès le départ par la manière dont la question est formulée ou selon les réponses qui sont proposées. Selon lui, les sondages permettraient d’effacer le débat, en créant du consensus. Dire que “60% des français sont favorables à…” fait oublier les 40% défavorables et donne l’impression d’un accord généralisé.  

 

— Artur Bucaille et Mattéo Mazingue